Une beauté à préserver. « Parce que les champignons ont une utilité certaine. Le mycélium est indispensable au développement de certains arbres et tout le monde connaît quelques grandes
associations arbre-champignon. C’est par exemple le cas des truffes avec les chênes et les noisetiers. L’un et l’autre s’entraident à bien se développer. En étudiant les champignons, c’est une
partie de notre environnement que l’on comprend mieux. En les préservant, c’est un peu de nos milieux que l’on préserve et indirectement un peu de notre espèce. La mycologie et les sciences
naturelles nous replacent dans notre humble condition humaine ».
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
RHÔNE-ALPES : LE BUGEY
Ronde, élevée, commune, la morille est plurielle… pour ceux qui ont la chance d'en trouver, car, à l'inverse de certains refrains populaires, elles
sont loin de se ramasser à la pelle…
Si le département était un trèfle, le coin en serait le subtil quatrième pétale, aux côtés de la Dombes, de la Bresse et du pays de Gex. Lui, c'est le
Bugey, joli terroir coincé entre les boucles de l'Ain et du Rhône, aux reliefs aussi escarpés que ceux de la Dombes peuvent être plats et rectilignes… Ce pays limitrophe de la Haute-Savoie, du
pays genevois et de l'Ile Crémieu iséroise est tout autant une authentique destination de ski (de fond mais aussi alpin…), de vin (notamment pour le Cerdon effervescent, les vins de Seyssel et
autres marcs locaux…), ainsi qu’un concentré de curiosités géologiques avec ses nombreuses cluses, lacs, pains de sucre, grottes, falaises rocailleuses, cascades et autres combes humides. Un
environnement escarpé, particulièrement propice au plus secret et insaisissable des champignons de nos contrées : la morille.
L'un des secrets les plus jalousement gardés d'ailleurs. Faites-en vous-même l'expérience, la seule prononciation du nom de ce champignon de la classe des
ascomycètes - une sorte d'élite de ces espèces de « plantes » parasites ou saprophytes (*) - provoque immanquablement chez les aficionados de sa cueillette, une notable tension de l'oreille
vers d'éventuelles bribes d'informations qui s'échapperaient d'une conversation peu précautionneuse. C'est qu'il est peu commode le bougre, se faisant aussi rare qu'imprévisible, mettant à
l'épreuve tout nouveau candidat à la cueillette.
Aussi, voici quelques conseils si vous souhaiteriez rejoindre le mouvement.
Soyez déjà vigilant sur la saisonnalité de la morille : tous vous diront, amateurs ou cueilleurs hors pair, que la saison a beau durer de mars à mai, il n'y a
qu'une vraie quinzaine propice à sa trouvaille : de la mi-avril à la mi-mai. Mais aussi sur la localisation géographique : ce n'est pas parce que vous avez vos « taches », nom donné aux zones
de cueillette, qu'elles vous seront fidèles à tout jamais. Ensuite, lorsque vous serez parvenu à bout de ces premières épreuves, il vous faudra faire le tri entre toutes les campagnes de
désinformation sur le sujet, notamment celles - prolifiques - des lieux de trouvaille : on a souvent dit que la morille aimait le sapin, d'où une forte présence en Jura, mais sans doute pas
autant que le frêne, qui est un peu à la morille ce que le chêne est à la truffe. Citons aussi les lilas, les bords de rivières et d'étangs, les coupes de bois, les sites d'incendie, ou encore
les friches, pour ne prêter attention qu'à quelques-uns des endroits où se tapissent les « morchella », de leur nom savant.
Et si le Bugey a été évoqué pour planter le décor de la « star terroir » de la semaine, c'est parce que les lieux, mêlant éboulis et terrains rocheux à
l'extrémité de l'arc jurassien, se prêtent particulièrement à la pousse de cette belle de printemps.
(*) Se dit de plantes qui se nourrissent de végétaux en décomposition
Ouvrir les yeux et les oreilles
« Un morilleur ne vous donnera jamais son coin, ses « places » ses « stations », vaguement une commune. Le mieux est de laisser traîner ses oreilles au café du village quand les ramasseurs
trépignent avant la saison, ou en causent entre eux à leur retour de cueillette », explique Philippe Marchand un morilleur réputé du Revermont. Des voitures garées dans les sous-bois sont une
bonne indication. Dans l’Ain, on la trouve un peu partout dans les bois de feuillus, plutôt humides, comme dans la vallée de l’Ain, le Revermont ou le Bugey.
Le bon moment
Il y a de grandes années et des saisons sans. Philippe Marchand a fait ses cueillettes records en 2004, un an après la sécheresse. Cette année, dans l’Ain, la saison a débuté le week-end
dernier et devrait donc s’achever fin avril. Le mieux, c’est « trois jours après la pleine lune ». Donc le 21 avril.
Suivre la météo
Les morilles sont donc sorties, mais restent petites. Ces champignons ont besoin d’un terrain humide et la fin de l’hiver a été sec. Les pluies de la fin du mois seront bienvenues pour
trouver de belles morilles d’une centaine de grammes.
L’œil en l’air comme sur terre
Commencer par l’étude de la flore : la morille, chez nous, se plaît sous les buis mais surtout les frênes. « Ensuite, elle aime le petit relief, les talus ou les fossés plus humides ». Mais
attention, à côté de ces lieux classiques, la morille va aussi pousser sur des sites provisoires. Comme un vieux verger, un ancien feu de bûcherons dans une clairière, dans une vieille
décharge, près d’ornières récentes de chemins, sur un sol brassé, parfois même dans votre jardin. Peu de chance en revanche d’en retrouver au même endroit l’année suivante.
La patience d’abord
La patience est la première qualité requise pour un morilleur. On peut passer une bonne heure sans en voir une. Se confondant avec les feuilles, poussant sous la mousse ou de vieux bois, elle
est très difficile à déceler. Il faut prendre son temps, s’agenouiller sur un secteur qui semble propice. Une morille est rarement seule, elle pousse en petits groupes, la fameuse « station »
des passionnés. Si vous n’en trouvez pas sur un site pourtant porteur l’an passé, n’abandonnez pas et revenez quelques jours plus tard.
-------------------------------------------------------------------------------------------
Les champignons, où, quand, comment ? Et peut-on en mourir ? Les conseils de Guy Robert, président de la Société des naturalistes et archéologues de l’Ain (*).
La bonne période
Cèpes, bolets, chanterelles, pieds de mouton… Après deux ans sans, ils poussent comme des champignons depuis début septembre. Même remarque pour les rosés des prés, omniprésents cet automne.
La cueillette durera jusqu’à la première gelée, et encore… « On peut trouver des chanterelles grises sous la neige ».
Le bon coin
Dans l’Ain, les plateaux humides d’Hauteville ou du Retord abritent les meilleures forêts à champignons, suivis de près par le Revermont. Pour dénicher le bon coin, tout est question de
flair, de connaissance… Et surtout de patience.
Le bon usage
Le bois serait privé et les champignons à tout le monde. Faux. Comme le rappelle l’arrêté préfectoral, leur prélèvement nécessite le consentement du propriétaire. Sans indication expresse, il
peut être considéré comme tacite. L’essentiel est de ne pas abuser de l’usage en saccageant la propriété. Respecter aussi les autres usagers. Voire les problèmes récurrents entre chasseurs et
ramasseurs.
Le bon geste
Accessoire indispensable, le panier en osier. Le champignon chauffe et fermente rapidement dans un sac en plastique. Pas de couteau, ni autres objets « scarificateurs ». Les champignons se
ramassent avec la volve qui permet de les reconnaître. Conservation courte, deux jours pas plus et au frais, avant transformation et dégustation.
Le bon champignon ?
Comment distinguer le lactaire délicieux du laxatif, sinon du poison violent ? Au moindre doute, montrer sa récolte à ceux qui savent : pharmaciens et mycologues. À cet égard, l’aide de la
SNAA peut s’avérer vitale. Dernier conseil : même le bon champignon est indigeste. Il doit se manger bien cuit et en petite quantité.
LES CHAMPIGNONS MORTELS
Photo
|
Nom
|
Saison
|
Localisation
|
Effets
|
|
Amanite phalloïde (Amanita phalloïdes)
|
Eté et automne
|
Bois de feuillus et rarement conifères
|
Vomissements douloureux, diarrhées fétides et abondantes, soif intense, troubles de la vision et fatigue générale
|
|
Amanite printanière
(Amanita verna)
|
Surtout au printemps et en été, plus rarement en automne
|
Bois de feuillus, rarement de résineux, taillis ou bordure de haies et de massifs
|
Vomissements douloureux, diarrhées fétides et abondantes, soif intense, troubles de la vision et fatigue générale
|
|
Amanite vireuse (Amanita virosa)
|
Eté et automne
|
Bois de feuillus (hêtres, bouleaux), parfois sous les conifères
|
Vomissements douloureux, diarrhées fétides et abondantes, soif intense, troubles de la vision et fatigue générale
|
|
Cortinaire couleur de rocou (Cortinarius orellanus)
|
Eté et automne
|
Bois de feuillus et bois de résineux
|
Nausées, vomissements, diarrhées, suivis d’une soif intense
|
|
Galère marginée (Galerina marginata)
|
Eté et automne
|
Sur les souches, branches et débris de bois morts de feuillus mais surtout de conifères, nus ou couverts de mousse
|
Vomissements douloureux, diarrhées fétides et abondantes, soif intense, troubles de la vision et fatigue générale
|
|
Inocybe de Patouillard (Inocybe patouillardii)
|
Printemps et été
|
Bois de feuillus (hêtres), en lisière et clairière, parcs (sous les tilleuls)
|
Transpiration abondante, vomissements, diarhées et salivation précèderont un ralentissement cardiaque
|
|
Lépiote brune (Lepiota brunneoincarnata)
|
Eté et automne
|
Bois aérés et lisières, parcs, jardins, haies et buissons
|
Troubles gastro-intestinaux intenses, signes de déshydratation
|
LES CHAMPIGNONS TRÈS TOXIQUES PARFOIS MORTELS
Photo
|
Nom
|
Saison
|
Localisation
|
Effets
|
|
Amanite panthère (Amanita pantherin)
|
Eté et automne
|
Bois de feuillus ou de conifères, parfois autour des arbres isolés
|
Surexcitation, hypertension, augmentation du rythme cardiaque, délire et hallucinations
|
|
Amanite tue-mouches (Amanita muscaria)
|
Eté et automne
|
Lisière et bois de feuillus (bouleaux) et de conifères (pins, épicéas, ...)
|
Augmentation du rythme cardiaque, hypertension, assèchement des muqueuses et troubles nerveux
|
|
Clitocybe de l'olivier (Omphalotus olearius)
|
Eté et automne
|
Sur les souches ou les troncs mourants (oliviers, chênes, châtaigniers, pins), ou à l'emplacement de leurs racines
|
Douleurs gastriques, vomissements, diarrhées, suivis de sueurs froides et vertiges accompagnés d’une fatigue générale
|
|
Cortinaire resplandissant (Cortinarius splendens)
|
Eté et automne
|
Bois de feuillus(hêtres)
|
Affections rénales
|
|
Entolome livide (Entoloma lividum)
|
Eté et automne
|
Lisière et bois de feuillus (hêtres, chênes et châtaigniers)
|
Gastro-entérite très sévère, état d’affaiblissement extrême
|
|
Inocybe fastigié
(Inocybe fastigiata)
|
Eté et automne
|
Bois de feuillus (hêtres), conifères, lisières, talus et chemins
|
Troubles gastriques graves
|
|
Paxille enroulé (Paxillus involutus)
|
Eté et automne
|
Bois de feuillus et résineux, talus, bords des chemins et des fossés, clairières
|
Troubles gastro-intestinaux, désordres cardio-vasculaires avec hypotention
|
|
Tricholome équestre (Tricholoma equestre)
|
Eté et automne
|
Bois de conifères (pins, épicéas)
|
Douleurs musculaires, surtout au niveau des hanches et des épaules, fatigue musculaire anormale et sueurs sans fièvre
|
|
Tricholome tigré (Tricholoma pardinum)
|
Eté et automne
|
Bois de feuillus (hêtres) et de conifères, presque uniquement en altitude
|
Déshydratation importante, gastro-entérite grave
|
LES CHAMPIGNONS TOXIQUES
Photo
|
Nom
|
Saison
|
Localisation
|
Effets
|
|
Agaric jaunissant (agaricus xhantoderma)
Psalliote jaunissant
|
Eté et automne
|
Prairies, jardins et gazons, taillis clairs et lisières des bois
|
Diarrhées, vomissements, hypertension
|
|
Bolet de satan (Boletus satanas)
|
Eté et automne
|
Bois de feuillus (chênes, châtaigners, hêtres), lisières et clairières, au bord de chemins
|
omissements importants, troubles nerveux
|
|
Clitocybe blanc d'ivoire (Clitocyba dealbata)
|
Eté et automne
|
Prairies, pelouses, parcs ou lisières des bois, en bordure de chemins ou de fossés
|
Diarrhées profuses, vomissements, hypersécrétions salivaire et sudorale, chute importante de la tension artérielle
|
|
Coprin noir d'encre (Coprinus atramantarius)
|
Printemps, été et automne
|
Parcs et bois de feuillus en décomposition , pied des vieilles souches, en bordure des bois et des routes
|
Réactions cardio vasculaires avec bouffées de chaleur, rougeur de la face et augmentation du rythme cardiaque
|
|
Gyromitre comestible (Gyromitra esculenta)
|
Printemps et été
|
Sols sableux sous les conifères, bords de chemins, talus, bords de ruisseaux, clairières, à partir de 500 mètres d'altitude
|
Troubles digestifs, désordre nerveux
|
|
Gyromitre en turban (Gyromitra infula)
|
Printemps, été et automne
|
Litières d'aiguilles des bois de résineux, des hêtraies, le long des sentiers et près des places à feux
|
Troubles digestifs, désordre nerveux
|
|
Hypholome en touffe (Hypholoma fasciculare)
|
Presque toute l'année
|
Souches mortes et troncs abattus de feuillus ou de conifères
|
Troubles gastro-intestinaux importants
|
|
Inocybe à lames terreuses (Inocybe geophylla)
|
Eté et automne
|
Parcs, bois de feuillus et de conifères, talus, bords des chemins
|
Désordres gastro-intestinaux, sueurs et larmoiements, troubles nerveux
|
|
Mycène pure (Mycena pura)
|
Eté et automne
|
Bois de feuillus (hêtres), de résineux
|
Diarrhées profuses, vomissements, hypersécrétions salivaires et sudorales, chute importante de la tension artérielle
|
|
Pézize couronnée (Sarcosphera crassa)
|
Printemps
|
Sol calcaire
|
Etat nauséeux, fatigue, courbatures, douleurs épigastriques et abdominales
|
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Lorsque l’on évoque les champignons son oeil s’allume. Jacques, dit Milo, est bien connu des Ambarrois notamment sportifs. Il fit les beaux jours des clubs d’athlétisme à l’époque de
Jean-Claude Nallet, de football et surtout de rugby où il excella à l’aile avec sa pointe de vitesse redoutable. Excellent bouliste de national et fin pêcheur Jacques a une autre corde à son
arc. Il pourrait vous parler des heures de ce végétal qui déplace beaucoup d’amateurs dès le mois de juin jusqu’aux premières gelées.
Initié dès son plus jeune âge aux subtilités de cette cueillette par un voisin proche de la famille, Albert Thomas, Jacques s’est pris de passion pour les champignons des bois. Ceps,
morilles, trompettes, giroles, pieds de mouton, têtes de nègre, chanterelles grises, palais de boeuf n’ont plus de secret pour lui. Il faut dire que la région se prête admirablement à cette
cueillette.
250 kgs cueillis chaque année !
Aujourd’hui à la retraite pratiquement chaque jour de la semaine depuis le mois de juin Jacques s’en va parcourir les bois des hauts d’Ambérieu.
” C’est une véritable drogue. J’aime parcourir des km à travers bois. J’apprécie la liberté, le calme, les odeurs. Pour moi c’est salutaire. Je passe en moyenne 4 heures à ramasser et 2
heures à trier. La journée est bien remplie avec une saine fatigue. L’année ceps n’a pas donné grand chose. L’an passé entre juin et juillet j’en avais récolté plus de 50 Kg cette année 2 kg.
Par contre les autres ont bien donné notamment les chanterelles et les trompettes.”
Jacques ne vend pas sa récolte. Il fait plaisir aux anciens qui ne peuvent plus arpenter les bois et à ses amis. Bien sûr il en congèle une partie afin d’en profiter l’hiver. Les bonnes
années il récolte de juin aux premières gelées plus de 200 kg toutes espèces confondues. Contrairement à la plupart des ramasseurs, Jacques ne cache pas les “coins” qu’il connait. Pas plutôt
la saison terminée, Milo pense déjà à la prochaine qui lui amènera tant de satisfactions personnelles.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------